Témoignage de Raymond POUGET
Mon père commandait le fumier aux écuries de Touraine ou à celles de l’armée de Saumur : c’était un fumier de qualité car les chevaux étaient bien nourris. Seul ce type de fumier était bon pour faire pousser les champignons.
Ce fumier arrivait par wagons à Roque de Thau, et Monsieur Pouget père devait s'en emparer en vidant les wagons dans la journée, afin d'éviter de payer le droit de quai. Il louait donc pour cette entreprise les services de deux charretiers, qui montaient le fumier jusqu’à l’entrée des carrières en haut de Poyanne. Deux chevaux par charrette étaient nécessaires pour cette opération.
Il fallait ensuite trier le fumier avant de l’étaler, c'est-à-dire qu’il fallait le " nettoyer " des éventuels fers à cheval ou vieilles chaussures qui auraient pu s’y glisser. Puis le préparer pour le faire chauffer ; il fallait que le fumier soit en ferment pour qu’on y plonge la semence. Pour ce faire, on le façonnait en meule et, tous les 20 cm, il fallait mettre un morceau de semence, le " blanc ", qui ressemblait un peu à de la paille.
Au bout de deux à trois semaines, suivant la température de la carrière, la semence de champignon commençait à ramifier sur toute la longueur des meules. Lorsque celles-ci étaient recouvertes de filaments, on les recouvrait d’une fine couche de terreau avec une petite pelle à manche court appelée " pelle à gobeter ". Ce procédé évitait d’arracher les petits champignons qui entouraient le champignon adulte.
Tout se faisait à genoux et à la main, c’était un dur labeur. Toutes les nuits, M. Pouget père se levait à 1 heure du matin, car à 7 heures la camionnette passait pour ramasser la cueillette du jour. 10 kg par panier. Ces paniers partaient en direction de Bordeaux, soit pour la conserve, soit pour la vente sur le marché des Capucins.
Puis la guerre est arrivée et il ne fut plus possible de trouver du fumier. On ferma les portes des carrières, et les champignons furent abandonnés à leur caveau. Une fin en hypothèque : il y a eu une reprise en 1947 par les fils, puis M. Dumeynieu a suivi dans les carrières de Poyanne et a arrêté pour sa retraite, les champignons se vendaient de moins en moins.
Propos recueillis par Valérie PIRRONE et Sandrine NUEL
Le Journal de Gauriac n°83 (janvier 2010)