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Village de Haute-Gironde

 

 

 Château de Thau aujourd'hui

Habitat médiéval fortifié, le château de Thau est aujourd'hui l'établissement fortifié le mieux conservé du Bourgeais. Il est établi sur un promontoire rocheux de la rive gauche du Grenet (affluent de l'estuaire), sans doute en bordure de l'ancienne route menant à Bourg.

Au XIVe siècle, le château, désigné sous le nom de château de Taur, aurait exercé une suzeraineté sur les castels de plusieurs paroisses voisines percevant un péage sur les marchandises allant de la Saintonge (Charente-Maritime) en Guyenne et réciproquement. Cependant le château n'apparaît de façon explicite dans les textes qu'au XVIe siècle. Il possédait alors semble-t-il de hautes murailles crénelées et une douzaine (?) de tourelles à pointe. Autour du château, la propriété était vaste et le fief s'étendait sur les domaines de Perlier, Bonne, Loudenat et Peyror.

 

Les bâtiments

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 Le château de Thau aujourd'hui (à gauche ) et au début du XVIIIe siècle (à droite)

 

Le château est composé de deux parties distinctes

La partie nord comprend une esplanade, à peu près carrée, séparée du plateau par des fossés secs creusés dans le rocher. Il faut peut-être voir là l'emplacement du château primitif (XIVe siècle ?) entouré de corps de logis imposants au nord et à l'est et défendu par de hautes murailles ainsi que par plusieurs tours rondes aux angles et sur les flanc est, ouest et nord (un texte fait état de 14 tours). L'entrée s'effectuait par un pont-levis aménagé au sud-est. Un puits est situé dans la cour, il en existait probablement un autre. Le château médiéval subit d'importants dégâts au cours des derniers combats de la guerre de Cent ans, particulièrement violents dans ce secteur au moment de la prise de Blaye par les Français en 1452, puis à la fin du XVIe siècle lors des conflits qui opposèrent catholiques et protestants. Il semble que ce soit à cette époque que les tours médiévales furent détruites.

La seconde partie est une extension rebâtie au XVIe siècle puis reprise au XVIIe. Elle est rattachée à la cour de l'ancien château par le fossé, comblé depuis longtemps, et enserre le château sur son flanc sud et sud-ouest. Il s'agit aujourd'hui des bâtiments agricoles (chais...) ainsi que du pigeonnier. À la fin du XVIIe siècle des terrasses avec de vastes jardins sont aménagées au nord et à l'est du château. La descente vers le Grenet est ornée d'un jardin à la française où la jonction de quatre allées perpendiculaires formait un bassin. Le château a désormais perdu son rôle militaire car le verrou Vauban formé de la citadelle de Blaye, de Fort Pâté et de Fort Médoc protège l'estuaire.

En 1700 le château possède de vastes appartements et de nombreuses dépendances. On y arrivait par bateau grâce au peyrat situé en contrebas et agrémenté de deux pavillons. Dans l'inventaire on relève que le chai possédait trois pressoirs, deux fouloirs, trois cuves et 8 douillats (il s'agit aussi de cuves), 28 barriques pleines " d'un autre vin rouge " et " 21 barriques de breuvage pour les ouvriers ".

 

Les occupants du château

Un texte attesterait l'existence de la seigneurie dès le milieu du XIVe siècle (1363). Il y serait question d'Ayquem de Gauriac seigneur de Roque de Thau. De manière plus certaine, de 1400 à 1480, la famille de Matha occupe le château et ses terres qui seront ensuite transmises à la famille Sudre puis, en 1540, à la famille de la Haye.

Louis de Grimard, président à mortier au parlement de Bordeaux, est propriétaire dans les années 1680-1700. Une Grimard, Jeanne, épousa Philibert Dussault (du Sault ?), conseiller puis doyen de la cour au parlement de Bordeaux (mort en1697). Ils eurent un fils, Jean-Louis, qui hérita de Thau. De son mariage avec Marie Le Blanc de Mauvezin naquit Marie qui épousa Alain-Joseph de Fayet, conseiller en la Grand-Chambre. Leur fille, Marguerite de Fayet, épousa à son tour Jean-Baptiste Lecomte, Marquis de Latresne, premier président au parlement de Bordeaux. À la mort de ce dernier, la dame de Fayet devint maîtresse des lieux. Leur fils (?) Antoine de Bodin-Dussault de Saint-Laurent, seigneur de Boissalut et de Roque de Tau, président de la cour des aides de Bordeaux, fut représentant de la noblesse aux États généraux en 1789. Le 8 novembre 1793, le Comité de surveillance d'Eysines décide de son arrestation, lui reprochant ses idées hostiles à la convention montagnarde. Le Tribunal révolutionnaire le condamne à mort et il est guillotiné. Après cette exécution, le domaine est déclaré bien national. Il est alors temporairement occupé par un agent du district de Bourg avant d'être vendu en 1795.

Plus près de nous, pendant de très nombreuses années, il appartint à la famille Viaud (des carriers) qui ne l'a jamais habité et qui fit construire un château moderne à proximité (le château de Banly). Il appartient aujourd'hui à la famille Schweitzer.

 

Légendes

Tombé en ruines après la Révolution, le château devint le sujet de diverses légendes (RIBADIEU - Châteaux de la Gironde p. 500). Au début du XIXe siècle, les habitants du voisinage croyaient que les ruines du château servaient de refuge aux revenants aux sorciers et aux damnés. Pour étayer leur croyance, ils s'appuyaient sur une légende qui disait qu'aux temps anciens, quand le château servait de défense, on y pénétrait par un pont levis franchissant un abîme. Les assaillants qui s'y aventuraient y étaient précipités. C'étaient, disait la légende, les âmes de ces trépassés morts en état de pêché qui gémissaient en réclamant une sépulture chrétienne.

Non loin du château la grotte des Fées est elle aussi objet de légendes. Au XVIIe siècle un Dehalis, châtelain du voisinage, avait épousé une fée, jolie mais coquette... très coquette. Elle passait trop de temps à sa toilette ce qui avait le don d'exaspérer son mari. Un jour, alors qu'elle se faisait attendre encore plus que d'habitude, il s'écria perdant patience : " Que le diable emporte les fées ". Alors la pauvrette, croyant avoir perdu l'amour de son mari tendrement chéri, s'enfuit du château et alla se réfugier dans une grotte du voisinage qui depuis porte le nom de grotte des Fées. Cette grotte fut, au XIXe siècle explorée par François Daleau qui y trouva des pointes de lance en pierre taillée, des ossements animaux, de coquillages et des sculptures néolithiques.

 

Sources

Edouard FERET - Essai sur l'arrondissement de Blaye - Ses monuments et ses notabilités
 - Ed. Feret et Fils 15, cours de l'Intendance - Bordeaux (1883)

Denise ROY-VALLET - Sud Ouest (?)

Stéphane ROUSSEAU - Aquitaine historique n° 33 - Mars avril 1998

Pierre BARRAUD - Les Cahiers du Vitrezais - Gauriac - 1990

Didier COQUILLAS - Les Rivages de l'estuaire de la Gironde du Néolithique au Moyen Âge
Thèse de Doctorat, Bordeaux III, 2001, tome II, volume 1, p. 391-400

 

 

La description de Léo DROUYN

Léo Drouyn

 Autoportrait de Léo Drouyn daté de 1862

Léo Drouyn (1816-1896), artiste girondin, fut de 1842 à 1849 le dessinateur attitré de la Commission des monuments historiques. Il nous a laissé un grand nombre de dessins et de gravures qui sont autant de témoignages quarante ans avant le grand essor de la photographie.

Château de Thau par Léo Drouyn

Le château de Thau vu par Léo Drouyn en 1849

Il visite le château de Thau en 1849. Il est alors davantage charmé par le paysage que par l’intérêt historique et architectural des lieux. Voici la description qu’il en fait.

« Placé sur les bords d’une grande route, à un kilomètre de la Gironde, près d’un port muni d’un débarcadère et garanti des vents d’ouest par des côtes élevées, il (le château de Thau) est situé, dans une des plus agréables positions que je connaisse. »

Le château se trouve « sur un promontoire rocheux, moins haut que les côtes environnantes dont il est séparé par un petit vallon et une vallée au fond de laquelle coule un ruisseau qui se jette dans la Gironde (le Grenet). »

De l’ensemble des bâtiments qui entourent une vaste cour deux aspects lui paraissent particulièrement remarquables.

Le côté ouest, qui lui semble être du XVIIe siècle, est « fermé par une galerie à hauteur d’appui, soutenue par des balustres (…) De là, on jouit d’une magnifique échappée de vue sur la Gironde ; au second plan de ce paysage apparaît le (fort) Paté de Blaye et, plus loin, dans la brume, les vignobles de Saint-Julien, de Latour et de Pauillac. »

Sur le côté nord, « deux étages de rochers à pic protègent le château (et) une suite de terrasses assez larges descendent jusqu’au fond de la vallée. (On y accède) par de larges escaliers qui donnent une idée du luxe princier déployé dans leur construction. »

Sur les côtés nord et est, le château « est flanqué d’une grande quantité de tours percées d’embrasures de canons ». Selon lui elles ont été bâties en même temps que la fuye (colombier), au début du XVIe siècle, « pour lui donner la tournure d’un château fort, mais les murs sont trop minces et n’auraient jamais pu résister à une attaque quelque peu sérieuse. »

D’après le document de présentation de l’exposition des œuvres de Léo Drouyn (2004)

 

Le colombier

Le colombier symbolisait, sous l'Ancien Régime, l'autorité de la noblesse et sa richesse foncière. Seul le seigneur avait le droit de posséder des pigeons et le droit de propriété se transmettait à un seul héritier.

Le colombier de Thau est une grosse tour ronde tapissée intérieurement de poteries scellées au mur par du mortier. Ces poteries spéciales, dont le fond est déporté par rapport à l'orifice, servent de nids aux pigeons et sont appelées boulins. Le nombre de boulins dans un colombier est fonction de la surface des terres qui sont sous l'autorité du suzerain. Celui-ci avait droit à un boulin pour un acre (ancienne mesure de superficie valant environ 50 ares). Ainsi, au château de Thau, il y a 200 trous dans les murs, ce qui veut dire que le châtelain contrôlait environ 100 hectares. Plus le seigneur était puissant, et ses droits importants sur ses vassaux, plus il pouvait placer les boulins près du sol.

 

Colombier du château de Thau

Le colombier est la partie la plus ancienne du château fort qui soit encore en état, il daterait du XIIe siècle. Il a été restauré en 2004, avec l'aide des services des Monuments historiques.
Remarquer le larmier qui empêche les rats d'entrer dans le pigeonnier.

 

Boulins du château de Thau

Boulins dans le colombier du château de Thau

Le colombier était construit autour d'un pilier central, avec deux bras de bois et une échelle, qui tournait sur lui-même pour qu'on puisse accéder aux nids. Il est prévu de reconstituer ce pilier au château de Thau.

À l'extérieur, les étages sont séparés par un larmier, relief empêchant les rongeurs d'attaquer le niveau supérieur et d'atteindre le toit. Les propriétaires M et Mme Schweitzer souhaitent ouvrir ce lieu au public comme salle de dégustation. Ils ont bien d'autres projets pour retrouver des éléments du vieux château, comme la fontaine ou les escaliers du jardin. Il est sûr que cette propriété est pleine de charme et ne manque pas de possibilités. Avec le temps…

Odile MADRIAS
Le Journal de Gauriac (n° 60 - Avril 2004)