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Village de Haute-Gironde

 

Entre avril et septembre 1944, André Jolit, Officier de la Légion d'Honneur, fut l'organisateur efficace de la Résistance dans le Blayais. Son nom de clandestinité : « La Musique » ; tout un programme ! D'origine Bouscataise,  il est Gauriacais depuis 1937, quand sa mère vint habiter à Marmisson.

 

La constitution du groupe de Résistance du Blayais

André Jolit (1945)

Durant la guerre, André Jolit fut d’abord chef de groupe de l’armée secrète dans le maquis de Corrèze. C’est en avril 1944, à 22 ans, qu’il revint dans le Blayais pour y organiser la résistance. Ce fut un samedi après-midi, en catimini... Du moins le pensait-il car, dès le dimanche matin, les gendarmes étaient à la maison... Suite à une dénonciation fort alerte. Heureusement, ses faux papiers furent estimés en règle, les gendarmes ne cherchant pas trop à approfondir le sujet. Il faut savoir que si les gendarmes ne faisaient pas leur travail de vérification, ils risquaient à leur tour d'être dénoncés, arrêtés, voire déportés, beaucoup l’ont été.

Pour constituer la Résistance du secteur, qui allait alors de St-André-de-Cubzac à Montendre, en Charente, il lui fallut contacter différentes personnes. Le réseau a rapidement grandi, puisque le 6 juin 1944, jour du débarquement en Normandie, on a pu comptabiliser plus de 400 résistants dans le groupe. En deux mois donc il avait organisé la plus importante unité combattante de la Résistance en Gironde !

Pour plus de sécurité, le réseau était structuré de telle sorte qu’André Jolit ne connaissait que les chefs de groupe. Il choisit de prendre comme adjoints son propre beau-père, Roger Boudaud, Ludovic dans la clandestinité, avec des missions de logistique, cache d’armes… ;  M. Pradel de Bayon, Pascal, pour la communication, le contact… ; la patronne enfin de l’hôtel restaurant des Palmiers à Gauriac ; celle-ci, mariée à Raoul Guedon, officier radio de la marine marchande, était la sœur de Jean Labadie, charcutier de son état à Gauriac. 

André Jolit souhaita contacter Raoul Guedon pour le faire entrer dans la Résistance locale ; cependant celui-ci s'y refusa. En réalité, il y était déjà investi secrètement. Il envoyait à Londres tous les renseignements possibles sur les mouvements de la marine  allemande, mais cela, bien entendu, André Jolit ne pouvait le savoir. Raoul Guedon le mit alors en contact avec son beau-frère Jean Labadie qui, lui, accepta immédiatement d'entrer en Résistance et devint le chef du groupe local de Gauriac, constitué d'une douzaine de personnes.

À cette époque le quartier général de la Résistance blayaise se trouvait à Gauriac, au domicile d’André Jolit, à Marmisson. En juin 1944, une dénonciation heureusement prévenue conduisit André Jolit à s'enfuir sur  Donnezac, où il déposa sa mère, puis à se réfugier à Reignac, ce afin d'échapper aux allemands. C’est à partir de ce moment là que l’on parle de la Résistance de Reignac, le QG de la Résistance du canton s'y étant déplacé. André Jolit entra dès lors en clandestinité, changea de nom et s'appela désormais André Jacquemin. Pourquoi ce nom ? Tout son linge était marqué des initiales A. J. Et le voilà de surcroît régimenté dans un emploi fictif à la Croix rouge.

À Gauriac, d'autres résistants, participaient au groupe de Jean Labadie. M. Maucouvert, le directeur de l’école,  était chargé de faire des faux papiers ; M. Magnen cachait des armes chez lui ; Mme Loisy, la pharmacienne, fournissait les médicaments et les trousses de premier secours ; le docteur Régnier, frère du  maire de Gauriac de  1936 à 1969, était aussi actif. En soutien encore, la propre mère d’André Jolit. Celle-ci, Mlle Zoubiaga dans la clandestinité, avait appris à fabriquer des bombes avec du  plastic. Elle les préparait pour son fils, à la commande. Elle faisait des bombes en forme de boudin dans une bassine remplie d’eau chaude. On appelait cela « le beurre », ça se présentait comme une barre de beurre de l’époque. La Résistance c'était  surtout de la débrouillardise attelée à de bonnes volontés.

 

Les actions du groupe de Résistance du Blayais à partir d’avril 1944

André Jolit se rendait une fois par semaine à Bordeaux pour prendre ses ordres de Marc Lucien Nouaux, son chef, lui rendre des comptes et récupérer de l'argent. Les rendez-vous aux cafés du Cours Alsace-Lorraine s'avéraient très dangereux, il s'y présentait toujours armé.

Pour la petite histoire, Marc Nouaux avait réussi à trouver du vrai papier pour imprimer des papiers d’identité. Pour faire au moins 600 fausses cartes. L’imprimeur de Bourg, M. Cadilhon imprima donc ces cartes, mais il manquait le cachet sec (tampon en relief) et  cela ne se faisait pas avec une simple pomme de terre. M. Jolit se rendit donc près du cours Victor Hugo pour prendre contact avec un autre imprimeur-graveur, afin de  faire fabriquer ce fameux cachet sec. Il se présenta à découvert, comme étant de la Résistance, mais l’imprimeur, réticent, lui fit part de sa peur de la gestapo. M. Jolit, pour prouver son appartenance à la Résistance en montrant patte blanche, lui proposa donc de choisir un message, une phrase, qu’il promit de diffuser à la radio anglaise. Fut convenu « Le chapeau est sur la patère ». Le message fut diffusé dans les jours qui suivirent et là, miracle, l’imprimeur-graveur montra à M. Jolit une boîte avec tous les faux cachets qu’il avait déjà fabriqué !  Six cents fausses cartes d’identité purent ainsi être créées grâce à la complicité des deux imprimeurs.

La première mission de sabotage du groupe fut de dynamiter les pilonnes électriques de la ligne SNCF, à St-Germain-la-Rivière, pour freiner l’arrivée des allemands. Mission accomplie. Sur le retour, le groupe essaya de faire sauter le pont de Magrigne (entre Pugnac et St André sur la D137) : opération manquée. Un parapet du pont a simplement été coupé et un mètre de chaussée fut détruit ; les charges de plastic étaient malheureusement tombées dans l’eau...
 
Avec ces deux sabotages, les Allemands furent sitôt avertis qu’il y avait de la Résistance qui se déclarait dans le canton.

Par ailleurs, le groupe participa à de nombreuses opérations de parachutage d’armes. Neuf avions en tout ont parachuté des armes sur le canton et M. Jolit y trouva de quoi armer 1200 hommes. Ceux-ci purent entre autre harceler l'allemand à satiété. Il y eut de quoi faire : 72 fusils mitrailleurs, 300 à 400 fusils, autant de mitraillettes, près de 400 kg de plastic et des caisses entières de grenades. Jean Labadie venait seul aux parachutages aider M. Jolit, celui-ci ne voulant pas être reconnu.

André Jolit blessé (1944)

M. Labadie a aussi participé à la bataille de Cau à Berson le 19 août 1944, comme tireur (il ne fera jamais état de son action dans la Résistance ce qui est fort dommage).  Au bout de deux heures de combat, on décomptait 42 allemands tués et 8 prisonniers sur 50 et, côté Français, 4 blessés sérieux. Lors de cette bataille, M. Jolit fut blessé. Il faillit perdre son bras : le médecin voulut l’amputer, mais sa mère insista pour qu’on le lui laisse ; elle obtint gain de cause et finalement le sort lui a donné raison !

Et puis il y eut l’affaire du Frisco. À la fin de la guerre les allemands avaient placé de vieux rafiots à l’extrémité de chaque estacade afin de les couler pour empêcher l’utilisation des installations. La Résistance, au courant de cette manœuvre, avait pour mission de larguer leurs amarres avant le sabordage. Malheureusement, à Gauriac, les circonstances locales ne l’ont pas permis et l’épave du Frisco marque toujours le paysage de Furt (voir l'article L'épave du Frisco).

 

Résister ?  Des rires et des larmes…

M. Jolit se souvient de la visite de Mme Thérèse Pouget, habitante de  Perrinque (un hameau de Gauriac),  accompagnée d'un groupe de jeunes filles, venue en cette fin d’août 1944 à l’hôpital de Blaye pour donner ses compliments au chef blessé de la Résistance.

Elle demanda aux sœurs de l’hôpital la chambre du fameux résistant. En y entrant, elle reconnut M. Jolit. « Ah ! tu es là, Dédé ? » Elle sortit aussitôt redemander à une religieuse la bonne indication quant à la chambre du chef de la Résistance, car dans celle-ci, il y avait Dédé, un garçon du village qu’elle connaissait très bien. Quelle ne fut pas sa surprise quand la bonne sœur lui confirma que c’était bien lui, le chef de la Résistance. Elle avait été persuadée que M. Jolit faisait du marché noir,  couverture bien commode qui avait su flouer son monde.

Gnome et Rhône 350 cc                                            Renaul Viva grand sport

De temps en temps,  M. Jolit se baladait en uniforme anglais avec l’écusson FFI Gironde, tantôt en moto (pour les amateurs, en Gnome & Rhône 350), tantôt en voiture (une Renault Viva grand sport décapotable avec un fanion bleu-blanc-rouge), tout cela sans aucun permis bien entendu (1).

Le jeu était d’atteindre le moral des allemands par une petite intoxication, qui les conduisait à s'attendre, les yeux écarquillés devant ces véhicules de commandement, à l'arrivée de tout un régiment à la suite de ce convoi. Ils en étaient affolés et devaient certainement donner après coup de fausses informations à leur QG. 

Moins drôle, la prise de risques pour soi et pour les autres du fait de la Résistance. À l’époque, si un officier allemand se faisait tuer dans un café, 50 otages du Blayais étaient fusillés à Souge dans la semaine qui suivait. C’était systématique. Ne voulant pas avoir de tels morts sur la conscience, M. Jolit n’est jamais venu « chatouiller » les Allemands à la citadelle, pourtant en force étant plus de 150.

En tous les cas, mesdames et messieurs de la résistance, chapeau bas !
Qu'aurions-nous fait, nous autres, dans votre situation ?
L'héroïsme, mélange de hasard et de courage, n'est pas si contagieux que cela.

(1) Ironie de l’histoire, pendant la seconde guerre mondiale les deux marques ont travaillé pour les allemands, ce qui leur valut d’être nationalisées à la libération. La première, qui construisait aussi et surtout des moteurs d’avion, fut absorbée dans la SNECMA, la seconde devint la Régie Nationale des Usines Renault.

 

Propos recueillis auprès d’André JOLIT par Valérie PIRRONE
et mis en forme par Sandrine NUEL
Le Journal de Gauriac n° 85 (juillet 2010), 86 (octobre 2010) et 87 (janvier 2011)