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gauriacS
Village de Haute-Gironde

 

 Yves CASTEX

 
1953

Yves Castex a 20 ans, frais émoulu de l'École normale, quand il reçoit sa nomination, acte important, solennel. C'est sur un imprimé, tout ce qu'il y a de plus impersonnel, qu'il apprend qu'il est nommé à "GAURIAC Ile NORD" qu'il lit : " GAURIAC deuxième Nord ". Son père lui explique qu'à Gauriac, il doit y avoir deux écoles et qu'il est nommé à la "deuxième Nord ".

Yves Castex ne connaît pas Gauriac, il n'a jamais traversé la Garonne. Il y arrive donc avec le CITRAM (autobus), et tout ému rencontre le Directeur de l'école, monsieur Subrenat (le grand-père de Sophie Davant), et il apprend qu'en fait, il va travailler à l'Île du Nord. Après les conseils d'usage donnés à un débutant, le directeur lui dit,
—  Un marin vous attend au Rigalet, il vous fera traverser.

Yves descend donc les escaliers de la Vierge, tout en admirant le paysage, trouve le passage du débarcadère entre deux maisons (la cale du Rigalet) et entend une voix,
— Monsieur l'Instituteur, montez, on y va.
 
Il embarque. Tap… tap… tap… le bruit du moteur accompagne celui de son cœur inquiet. Du fleuve, on devine peu de choses de l'île

Il interroge,
— Où est-ce que je serai logé ? J'ai appris que mes deux prédécesseurs (messieurs Duffaut et Amiel), logeaient chez l'habitant.
— Personne ne veut plus de l'instituteur.
— Et où est-ce que…
— Vous chercherez.
— Est-ce que je mangerai au restaurant ? " ( le pauvre, quel restaurant ?)
Lolo perçoit l'angoisse du jeune homme et s'adoucit.
— Si vous voulez, à midi, vous pourrez manger à la maison, après, vous chercherez quelque chose.
En effet, il y mangea à midi et y resta deux ans !

Et il découvrit son école. Elle était construite juste derrière la digue, à Sourget. C'était un bâtiment agréable, avec une classe pour vingt élèves, une salle à manger, une chambre.

Au début, il vivait à l'école et mangeait midi et soir chez Lolo. Puis, aux vendanges, une troupe de soixante vendangeurs s'installa au château Calmeil. Madame Braud, la femme de Lolo leur faisait la cuisine. Le soir ils dansaient et chantaient tard dans la nuit. L' instit fut donc invité à manger avec eux et, pour ne pas rentrer trop tard dans la nuit, il logea au château et y resta.

À cette époque, la vie dans l'île était très active, très intense. Les îliens n'étaient pas des marins, mais des agriculteurs. Seuls les enfants semblaient intéressés par la vie maritime, ils connaissant le passage de chaque bateau. L'île était très bien entretenue, tout poussait à merveille, les fleurs sauvages, les légumes, la vigne,le vin étant classé en Bordeaux supérieur. La terre, déjà pleine d'alluvions, était enrichie chaque année par des inondations volontaires de trois à quatre semaines, commandées par un système d'écluses. Cela évitait aussi à la vigne d'être atteinte par le phylloxéra.

Le marin faisait sans cesse la liaison entre les îliens et la commune de Gauriac. Toute la vie politique, civique, civile, administrative, se passait à Gauriac. Le marin portait le pain, faisait les commissions, transportait les gens ; tous les gens : les mariés, les morts… Il n'y avait pas de culte sur l'île, seulement le catéchisme. La gendarmerie et la Poste dépendaient du Médoc. Il n'y avait pas de médecin. Si besoin était, on l'appelait avec le téléphone du régisseur. Aux temps où il n'y avait pas encore le téléphone, on mettait un grand drap blanc dans un champ. Et s'il y avait de la tempête, l'île était isolée. L'électricité y est arrivée en 1951.

— Nous étions les seuls instituteurs de France à qui l'Inspecteur demandait l'autorisation de venir. Pardi ! Il fallait qu'on lui envoie le bateau !

 

Odile MADRIAS
À partir de notes prises lors de la conférence donnée le 15 juin 2002 à Gauriac par MM. ROMAIN et CASTEX
qui ont été instituteurs sur les îles en 1953.