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Village de Haute-Gironde

 

 Jean ROMAIN

 
1953

Jean Romain a aussi 20 ans (ou 21) ; c'est aussi pour lui la première expérience professionnelle ; mais il ne sort pas de l'École Normale, il n'a aucune formation, et il a reçu, contrairement à Yves Castex, une lettre très personnalisée de l'Inspection Académique, lui expliquant bien que ce poste est difficile, que les habitants de l'île sont " des êtres frustres " et qu'il a été choisi parce qu'il pratiquait le judo. Aussi est-il inquiet dans l'autobus de la Compagnie Hébrard qui l'amène à Blaye, où l'attend son bateau et encore plus inquiet quand il grimpe dans la petite embarcation "bien frêle pour affronter ce flot immense." Ce sont ses débuts dans la marine… Devant la majesté du fleuve et les rives marécageuses bordées d'une végétation luxuriante, il a l'impression de naviguer sur le Mississipi.

Le "marin", ici, s'appelle Bruno et ses compagnons de voyage parlent à peine le français. La vie sur l'île va être pleine d'aventures. Les premiers jours, des jeunes hommes essaient de lui faire peur en tirant des coups de feu sous ses fenêtres ou en entrant chez lui. Un " chez-lui " très sommaire et qui ne ferme pas à clé ! Il affronte la tempête et les sables mouvants. L'inspecteur lui fera une visite agrémentée d'une chasse au canard… Les enfants parlent un mauvais français et la population habite dans des logements insalubres, sans confort ni hygiène.

Mais peu à peu, il "apprivoise" les îliens, joue aux cartes et va à la chasse avec eux. La vie, dans sa classe, avec les enfants, le passionne. Toute cette année va le marquer profondément. " Plus de quarante ans se sont écoulés depuis ces évènements, écrit-il, et pourtant, au fond de ma mémoire, ils sont demeurés intacts, tellement présents et vivants que je n'ai aucune peine aujourd'hui à les faire resurgir. Chacun rêve de son île vierge. C'est une quête qui peut durer très longtemps et qui n'aboutit pas toujours. J'ai eu, quant à moi, la chance de la trouver dès mes 21 ans. "

Il y avait un personnage très important sur les îles, c'était le marin. Chaque château avait son marin. L'instituteur aussi avait son marin, c'était celui de Calmeil, " Lolo ". Il connaissait parfaitement son travail et la traversée avec lui était rassurante. Ce n'était pas toujours facile de traverser, surtout par temps de brouillard. À cette époque, il y avait beaucoup de trafic sur la rivière, de gros paquebots, des cargos remontaient vers Bordeaux ou redescendaient vers la mer. C'est Yves qui souvent faisait sonner la cloche. C'était moins drôle quand c'était le marin de Sourget. C'était un jeune homme qui n'était pas marin de métier. Il ne savait pas se servir d'une boussole, il ne se servait que de sa montre. C'est à dire qu'il savait qu'il fallait vingt minutes pour traverser. Si on dépassait les vingt minutes, c'est qu'on s'était perdu !

 

Odile MADRIAS
À partir de notes prises lors de la conférence donnée le 15 juin 2002 à Gauriac par MM. ROMAIN et CASTEX
qui ont été instituteurs sur les îles en 1953.
À lire dans Mon Île Vierge de Jean Romain édité par Arts Plastiques d'Aquitaine.