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Village de Haute-Gironde

Les faits, comme je les ai vécus

René LEPAS avait alors 18 ans.

Ce jour là, le Frisco, un pétrolier italien, faisait escale au dépôt de Furt, pour y remplir ses soutes. À la nuit tombée la résistance s'empara sans difficultés de l'équipage qui fut emmené dans la commune voisine de Comps, où le commandant CAILLEUX, qui dirigeait ce groupe de FFI, avait une propriété.

Je n'ai connu cet évènement que le lendemain matin. Du même coup j'apprenais que le groupe, de FFI dont faisait partie entre autres Raymond GENTET, Jean DEJEAN et Raymond MAGNEN, était posté au "Chêne vert", qui domine Furt, pour surveiller le bateau. J'avais dix huit ans à l'époque et je décidais de les rejoindre pour leur porter à boire. Je restais avec eux une partie de la matinée.

Les allemands qui commençaient à se faire discrets sur la terre ferme, tenaient encore assez bien l'estuaire grâce à leur marine. Un bateau allemand, je pense que c'était un contre-torpilleur, se présenta à vitesse réduite. Il avait repéré le Frisco, sans équipage, amarré au caisson de Furt. Coincé dans l'étroit chenal de navigation qui longe l'île Verte il ne pouvait pas s'approcher du bateau vide. On le vit mettre à l'eau une embarcation avec quelques hommes à bord qui eurent tôt fait de rejoindre le pétrolier. Nous avons vite compris leur mission, ils étaient venus couler le navire.

Sur le pont du Frisco, les marins allemands étaient à portée de tir des FFI, postés juste au dessus. Fallait-il tirer pour pouvoir récupérer le Frisco tout en éliminant quelques allemands, ou ne pas tirer évitant ainsi la canonnade de riposte du contre-torpilleur sur Gauriac. Je me souviens d'une discussion serrée. Finalement l'avis du commandant Cailleux l'a emporté les FFI n'ont pas tiré. Le Frisco a coulé. Son épave est toujours là.

L'après Midi du même jour, ou le lendemain, je ne me souviens plus bien, les allemands ont évacué le dépôt de mines du Mugron.

Cette évacuation rendait inquiets les Gauriacais. Beaucoup avaient peur que les allemands ne fassent tout sauter ce qui, du fait de la communication entre les carrières souterraines, aurait mis en péril tout le village. D'ailleurs, depuis plusieurs jours beaucoup de gens, des jeunes surtout, quittaient la nuit leur maison pour aller dormir à la belle étoile du côté de Comps. Le jour on avait moins peur car on pouvait voir depuis la route ce que mijotaient les allemands au Mugron.

Le jour de l'évacuation, avec d'autres j'étais venu me cacher derrière le mur de la vigne Bouneau en face de l'école. Ce mur et la vigne ont aujourd'hui disparu pour laisser place au pré situé entre la poste et le gymnase. De là on pouvait voir les camions allemands prendre la direction de Bordeaux. Quand le gros de la troupe eût passé on entendit une déflagration du côté du Mugron. Les allemands venaient de faire sauter les entrées de carrières ce qui interdisait, du moins momentanément, tout accès. Heureusement et semble t il, contrairement aux ordres, ils n'avaient pas fait sauter les mines elles mêmes, épargnant ainsi Gauriac. Quelques minutes plus tard on vit les artificiers à moto prendre la même direction que les camions.

Ce fut la dernière fois que l'on vit des soldats allemands à Gauriac. Quand aux mines elles sont restées là pendant quarante cinq ans jusqu'à ce que l'actuelle municipalité ne parvienne à les faire enlever.

Propos recueillis par Raymond RODRIGUEZ
Le Journal de Gauriac (n° 23 - mars 1995)