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Village de Haute-Gironde

 

Les faits, tels qu'ils se sont vraiment passés

André JOLIT, Lieutenant Colonel, chef de la Résistance dans le Blayais
(voir l'article André JOLIT : une figure de la Résistance)

Un fait de résistance parmi bien d'autres, a été diversement interprété et mérite sa relation sous forme de mise au point. Il s'agit du cargo Frisco coulé pendant la guerre et dont l'épave demeure au droit, du lieu-dit Furt, en bordure de la Gironde, dans la commune de Gauriac.

Pendant l'occupation de 1940-44, les allemands ont pris différentes mesures pour interdire l'accès éventuel du littoral et de l'estuaire aux alliés, au moyen de blockhaus et de champs de mines le long du littoral et par la mise en place de bateaux désaffectés à chaque estacade ou appontement dans l'estuaire. Ces derniers, sans grand intérêt stratégique (gardés sommairement), devaient en cas d'invasion être sabordés sur place interdisant toute utilisation des installations portuaires par les alliés.

Ces mesures, entrant dans un plan plus élaboré établi par les allemands, étaient connues de la Résistance et des contre-mesures étudiées à chaque niveau de responsabilité locale. Pour le Blayais le cargo Estonien ou Lithuanien Frisco entrait dans ce contexte. Le Chef de la Résistance pour le Blayais (Corps Franc Marc), informé de cette situation, avait prévu des dispositions particulières devant être exécutées par le groupe local de Résistance. C'est pourquoi le groupe de Gauriac commandé par Jean Labadie avait reçu l'ordre de capturer les quatre ou cinq italiens gardant le bateau et de larguer les amarres du Frisco, afin que ce dernier rende libre l'estacade en bois du dépôt de carburant de Furt et aille échouer plus loin.

 L'épave du Frisco en septembre 1948 (photo IGN)

On distingue encore deux des trois mâts du navire et sa cheminée. Observer aussi les deux appontements du dépôt de carburant, rendus inutilisables, et, sur la berge, les cuves circulaires de produits pétroliers. Au delà des vignes la route est la RD 669.

Monsieur Jean Labadie avait parfaitement compris les raisons de cette opération qui a priori pouvait paraître pour le moins surprenante. Il devait l'exécuter dès qu'il en recevait l'ordre. Cet ordre ne venant pas, du fait de la mise hors de combat du chef de la Résistance (à Berson, le 19 août 1944) et de la méconnaissance par les successeurs de tous les plans et opérations prévues soigneusement, Monsieur Jean Labadie, voyant partir les allemands, a pris l'initiative d'exécuter l'ordre reçu avec son groupe.

L'« équipage », ou plutôt les gardiens se sont rendus sans difficulté et le groupe se préparait à libérer le cargo de ses attaches, comme l'ordre le précisait, quand arrive sur le terrain revêtu de son uniforme (sorti pour la circonstance) le Commandant Cailleux, faisant grand tapage et prenant pour une initiative malheureuse ce qui n'était qu'un ordre formel et réfléchi. Malgré les explications du responsable Jean Labadie, le commandant faisant preuve d'une autorité dont il n'était nullement investi, donnait l'ordre de garder ce cargo " qui serait une prise pour la France ". Après quelques hésitations et réflexions, le groupe de Gauriac obtempérait et le bateau restait attaché.

Ce qui devait arriver arriva et la marine allemande, en exécution des plans prévus, venait saborder le cargo de Bourg-sur-Gironde et le Frisco à Furt. Fin août 1944, le groupe de Gauriac, ne pouvant affronter un navire de guerre, a assisté impuissant à ce sabordage. Depuis, cette épave interdisant tout accostage important à ce dépôt, est en partie responsable de sa fermeture.

La relation ci-dessus reflète la réalité sur cette affaire très simple, dont l'exécution a été contrariée par l'intervention inopportune d'un tiers, peu au fait des intentions et actions de la Résistance.

André JOLIT
L'Estuarien n° 2 - septembre 2002